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Charles Stépanoff, l’animal et la mort. Un livre à lire absolument.

Dans le climat ambiant fait s’attaques incessantes contre la chasse, il est important de signaler la parution du livre de Charles Stépanoff, L’animal et la mort. Ce livre va à contre-courant de bien des idées reçues à propos des chasseurs et de la chasse. L’auteur nous démontre que les chasseurs sont davantage préoccupés des fragilités de la nature qu’on ne le croit généralement. Ils en sont les premiers témoins et leur relation à l’animal n’est pas seulement faite de prédation aveugle.

Une thèse intelligente, loin du manichéisme habituel

L’auteur est un ancien élève de l’École normale supérieure, docteur en ethnologie. Il est directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales depuis 2021. Il aussi été maître de conférences à l’Ecole pratique des hautes études. Ce livre est issu d’une longue enquête menée auprès des chasseurs du Perche, de la Beauce et des Yvelines. Connu pour ses travaux sur le chamanisme sibérien, Charles Stépanoff s’immerge cette fois dans le milieu des chasseurs “paysans”. Une forme de chasse où l’on vit de ce que l’on attrape. Ce qui est souvent considérée comme archaïque dans notre monde moderne. De l’autre côté, il a aussi interrogé les militants opposés à la chasse et au fait de tuer les animaux. L’occasion de montrer un paradoxe de notre époque : dans notre société toujours plus violente, on refuse de voir la violence en face. 

Le rapport entre le chasseur et l’animal

Il s’interroge sur le rapport étrange qu’entretient le chasseur avec le vivant. Abordant le sujet sans idées préconçues, il s’est vite rendu compte que les rapports entre les chasseurs et les animaux chassés n’étaient pas faits que de prédation aveugle. Il définit le chasseur d’aujourd’hui comme un prédateur empathique. Que veut-il dire ? Oui, le chasseur est un prédateur. Mais il connait et aime l’animal chassé, d’où la notion d’empathie qu’il a constaté lors de son enquête.

`Il a aussi constaté que l’éthique de la chasse permettait de transcender l’acte de prédation. Ce qui le fait entrer dans une « métaphysique de la prédation ». Cette métaphysique étant constituée d’un ensemble de représentations symboliques et de règles morales. L’association prédation – empathie est merveilleusement illustrée dans un très beau roman d’un écrivain italien Erri de Luca. L’auteur nous fait vivre le dernier affrontement entre deux êtres sur la fin de leur vie : un chasseur et un chamois.

LIRE AUSSI : Le poids du paillon de Erri De Luca

Le « chasseur paysan » face au « chasseur loisir »

L’auteur s’est beaucoup intéressé à la figure du chasseur paysan. Il le compare au chasseur de la toundra car les deux chassent pour se nourrir selon lui. Il l’oppose à un autre type de chasseur, celui qui ne voit cette pratique que comme un loisir. C’est là que la thèse de l’auteur est critiquable. Opposer la figure mythifiée d’un chasseur paysan qui ne chasse que pour se nourrir et le chasseur citadin pour qui il s’agit d’un loisir est réducteur, voire inexact. Les deux font de cette pratique une passion et parfois un mode de vie. Leur rapport à l’animal chassé est le même. Mélange d’empathie, de connaissance parfois intime (« c’est le grand cerf du bois noir, tu sais, celui qui commence à ravaler… ») et de cet instinct de prédation. Bref, un livre à lire avec intérêt et regard critique.

—> Charles Stépanoff, L’animal et la mort. Chasse, modernité et crise du sauvage, Paris, La Découverte, 2021, 388 p., 23 €.

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